La situation inédite que nous traversons mérite des réponses inédites. Appelé en tant que conseiller régional à formuler des propositions pour l’action de notre collectivité, j’ai émis un appel à volontaires pour réfléchir à des solutions concrètes. De nombreuses personnes se sont manifestées. Merci merci et encore merci à elles ! –– 1e édition le 31 mars 2020 ; mis à jour au 3 avril 2020–
Voici une liste de propositions issues de la consultation que j’ai menée ces derniers jours auprès de personnes ressource, collègues, entrepreneurs, haut-fonctionnaires, experts, professionnels de la santé… Remerciements d’ores et déjà à mes collègues en particulier Catherine Lime-Biffe, Maxime des Gayets, François Kalfon, Corinne Bord, Roseline Sarkissian, Yannick Trigance, ainsi qu’à Nicolas Hazard, François Thomazeau, Patrick Franjou, Jérémy Latour, Jérôme Cuny, Pierre Musseau, Jean-Marc Pasquet, Michel Magniez, Jean-Louis Rocheron, Yann Fradin…
Elles visent à proposer immédiatement, dans le cadre du groupe Ensemble l’Ile de France et dans le cadre du Conseil régional, des mesures de réponse.
La réponse à la crise sanitaire, la première urgence.
1. Soutien au personnel soignant : Mise à disposition des lycées pour les personnels soignants et les hôpitaux (espaces de repos, stockage, usage à définir). Mobiliser la plateforme smart région pour aider à faire apparaître les besoins de renfort en milieu hospitalier et généralement en milieu médical. Mobiliser les partenaires sanitaires et sociaux de la région. Mobilisation des instituts de formation partenaires de la région pour aider à former des personnels en vue d’apporter des renforts au système de soins.
2. Lancer rapidement de nouvelles productions essentielles :
Assurer des débouchés de long terme : S’engager à maintenir certaines commandes de matériel au-delà de la période de crise pour offrir de nouvelles perspectives. Associer les pôles de compétitivité, centres de recherche, CFA, écoles et universités, fab lab et points de production en impression 3D (y compris certaines enseignes d’équipeement des professionnels). Utiliser à fond les modèles disponibles en open source. Objectif : maximiser l’innovation en disant aux industriels qu’on sera encore là après.
Lancer de nouvelles productions dès que possible en réunissant les industriels franciliens. Objectif : un engagement concret d’entreprises nouvelles à produire dans les meilleurs délais. La Région favorisera les collaborations inter-entreprises en apportant son savoir-faire en écologie industrielle pour améliorer l’efficacité.
Associer les partenaires sociaux afin, en particulier, de pouvoir mesurer les risques sociaux et sanitaires de cet effort et de s’en prémunir.
Mettre en ligne des patrons de blouse en open source et faire un appel à fabrication de tous les couturiers et couturières d’Ile de France.
3. Stimuler l’innovation pour répondre à la crise :
Faire un appel à projet immédiat (réponse dans 10 jours) auprès du tissu industriel francilien et des start-up, écoles d’ingénieur et instituts de technologie pour proposer des solutions innovantes à la crise, à l’instar de ce que l’Union européenne a déjà émis. Objectif : mise en service sous quinze jours de productions essentielles.
Soutenir les marathons d’innovations comme le Hackathon contre le Covid annoncé pour les 10-12 avril prochains, organisé par deux jeunes entrepreneuses. Objectif : faire connaître l’initiative auprès de tous les publics jeunes en formation et tous les organismes d’innovation de la région ; fixer des objectifs régionaux à résoudre par les participants.
Soutenir les autres marathons : hacklacrise.fr qui a dès le 20-22 mars accéléré des projets comme sosequipements.fr, https://www.laclassealamaison.org/ , http://www.aidons-nos-routiers.com/ , https://covid-entraide.fr/ . Ces projets se sont alliés à d’autres comme ceux de la plateforme jogl.io
Beta.gouv soutient aussi en continue des projets pour répondre aux besoins.
Soutenir la plateforme https://covid3d.org/ lancée par l’APHP pour structurer la réponse à ses besoins. Soutenir les efforts de la Ville de Paris pour soutenir les commandes publiques auprès des « makers »
Ensuite, constituer grâce à la mobilisation des équipes de la Région un inventaire des solutions pour éviter que les organismes comme l’APHP soient débordés par le seul traitement de l’information.
Le rôle de la Région pourrait être de passer en revue toutes les usines et laboratoires franciliens, pour identifier si leur chaine de production peuvent être mise au service de besoin prioritaire et de demander à rouvrir ou réorienter les productions en fonction., notamment pour les masques et les médicaments. On attend aussi dans les jours qui viennent la validation de nouveaux procédés de matériels sensibles (ventilateurs, pousse serignues) et on pourra soutenir la production au-delà du projet du gouvernement à Airliquide
4. Trouver des ressources là où il y en a
Travailler avec les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration en mobilisant le comité régional du tourisme (CRT) et les fédérations professionnelles régionales pour identifier les gisements (lits, équipements divers) mobilisables et en stock, inutilisés actuellement.
Venir en aide aux personnes touchées par la crise sociale
1. Soutenir l’hébergement d’urgence : La Région peut mettre à disposition des internats non sollicités par les services de soin en guise d’hébergement d’urgence, valider un fonds spécial d’hébergement d’urgence pour s’assurer qu’en période de confinement personne ne dort dehors. Celui-ci pourra aider à la fois les départements et les associations de solidarité. 9.200 chambres ont été mis à disposition pour les internats des lycées ; et 300 chambres dans le CREPS Ile de France. Il faut aller plus loin.
Le logement individuel de sans abris et réfugié est une priorité. Il faut qu’elle s’accompagne d’ouverture de cuisine qui permet de les nourrir dans des conditions sanitaires optimales pour tout le monde. Pour cela la Région pourrait oeuvrer avec les professionnels de l’hôtellerie-restauration notamment via le Comité régional du tourisme.
2. Lutter contre la fracture numérique scolaire : La Région a fourni des équipements en tablette. Le problème est désormais la connexion internet pour certaines familles. Ainsi la Région Ile de France pourrait fournir des clés 3G ou 4G aux élèves lycéens qui n’ont pas internet afin de favoriser l’étude pour ces jeunes. Elle pourrait aussi demander à ce que les opérateurs offrent des giga supplémentaires aux familles ayant besoin de partage de connexion pour leurs enfants scolarisés. En se regroupant avec les départements et communes et si possible avec l’Etat elle pourrait chercher à élargir ce bénéfice aux enfants scolarisés à tous niveaux d’éducation. La Région peut aussi soutenir financièrement les initiatives des mairies comme le Programme de réussite éducative de la Ville de Sarcelles au bénéfice des écoliers.
3. Agir d’urgence contre les violences faites aux femmes et les violences intrafamiliales : Mettre à disposition un fonds d’urgence pour les accueils de jour et les structures de soutien en continuant à mettre à disposition des internats et bâtiments régionaux.
3. Lutter contre la fracture sociale parmi les actifs : Augmenter substantiellement l’aide exceptionnelle de 1.500€ à destination des indépendants via un abondement de la Région.
4. Aider financièrement TOUS les stagiaires de la formation professionnelle : Ceci veut dire qu’il faut maintenir la rémunération de tous les stagiaires de la formation professionnelle même qui n’ont pas démarré une e-formation. Assurer le report des formations prévues et non tenues.
5. Assurer la solidarité internationale. : mettre à disposition les savoir-faire acquis dans la gestion de crise au bénéfice des autres régions du monde : En premier lieu, diffuser les informations médicales, sanitaires et amplifier la solidarité vis-à-vis des régions partenaires au Mali, en Afrique du Sud, au Maroc,…
Via la smart plateforme de la région, mettre à profit les informations au bénéfice de tous et toutes.
Soutenir les coopérations médicales et via l’Institut Pasteur dans les régions et entités décentralisées partenaires pour l’achat du matériel de santé.
Débloquer un fonds d’urgence pour les régions partenaires qui en auraient besoin.
Consolider notre économie
1. La Région doit être un client « payeur » exemplaire : L’impact financier en achat de prestations de la Région Ile de France est de 3 milliards d’euros. Cet impact est important et peut être mobilisé au bénéfice de l’économie régionale.
- Diminuer les délais de paiement à 15 jours effectifs (de 30 jours “garantis”, actuellement annoncés)
- Garantir le paiement d’avance pour une partie des prestations achetées.
2. Venir en aide aux associations, et à l’économie sociale et solidaire : Mettre en place des prêts garantis de trésorerie spécifiques pour les associations et notamment les structures de l’économie sociale et solidaire. Certaines organisations de l’ESS sont à l’arrêt sans pouvoir bénéficier des aides en cours d’instauration. Par exemple la coopérative Olvo a arrêté ses activités après 1 semaine car ses statuts n’ont pas permis de faire bénéficier le chomage technique de manière suffisante pour amortir les aléas de la demande. Une aide complémentaire d’urgence pour tous les organisations qui ont une mission d’utilité sociale et qui présentent des difficultés à mobiliser pleinement les aides de l’Etat permettrait d’aider le secteur.
3. Mettre en place une offre spécifique “maintien de l’offre sociale” pour aider les organisations associatives et solidaires à maintenir leur offre en ces temps de crise.
4. Soutenir la logistique alimentaire : impliquer l’économie sociale et solidaire ainsi que les associations dans l’écoulement des stocks de produits frais et agricoles.
5. Prévenir les défaillances d’entreprises : Relancer BACKUP et BACKUP Prévention, dispositifs régionaux de prévention des défaillances économiques des entreprises en s’inspirant du dispositif existant dans les Hauts de Seine et mis en place par la CCI de Lille.
6. Protéger les commerces et les agriculteurs en les aidant à vendre en ligne et quand c’est possible en drive. : relancer les dispositifs régionaux en urgence visant à soutenir l’ouverture de sites de e-commerce et de mise en commun d’offres pour les commerçants.
Proposer la même chose aux maraîchers et agriculteurs franciliens mais aussi à ceux issus du grand bassin parisien : tous les départements limitrophes de l’Ile de France qui ont un rôle essentiel dans l’approvisionnement. A ce titre, ceci revient à élargir l’initiative engagée par l’exécutif régional pour la commande direct des particuliers auprès de Rungis.
Réaliser une carte interactive pour savoir où on peut acheter des produits directement chez les producteurs comme expérimenté dans plusieurs régions.
7. Protéger la chaîne logistique en se concentrant sur les humains exerçant des métiers « essentiels », qui sont en son coeur :
Conventionner avec les sociétés d’autoroute et le réseau des stations service afin de permettre
- le nettoyage plus fréquent des toilettes en libre service
- la mise à disposition d’hôtels actuellement vides, ayant des parking à proximité des aires d’autoroute pour permettre le repos des chauffeurs routiers
- la mobilisation du tissu de restaurateurs franciliens afin d’offrir des repas, sur des points relais (idéalement dans les aires d’autoroute), aux chauffeurs routiers.
Impliquer les départements et régions voisines en conventionnant avec ces territoires.
8. Un plan d’urgence « Télétravail ». Objectif : venir en aide aux entreprises rencontrant encore des difficultés dans la mise en place du télétravail, via la mise en relation avec des entreprises volontaires ayant réussi à le faire, et via les services de la Région.
9. Un plan d’urgence pour les industries créatives et culturelles durement frappées, par exemple en passant des commandes de production dématérialisée ou en s’engageant sur les saisons à venir pour le spectacle vivant, sur une aide spéciale pour les industries audiovisuelles…
Formation continue et éducation professionnelle : maintenir le tissu de formation, continuer à former et renforcer les filières d’urgence
1. Réaliser un plan d’urgence de mobilisation de personnel vers les secteurs à besoin immédiat en main d’oeuvre, en particulier en favorisant le reclassement (même de court terme) de personnel issus de secteurs en suspens. Par exemple, des employés de cuisine au chômage partiel issus de la restauration pourraient rapidement être employés dans la restauration collective en secteur hospitalier. Les personnes employées dans le transport à la personne qui sont actuellement à l’arrêt pourraient venir en renfort aux chaînes logistiques… Il est tout à fait du rôle de la Région d’intervenir sur ce sujet à titre économique et à titre de formation professionnelle.
Ouvrir des crédits spéciaux de formation pour les personnes éloignées de l’emploi et en proposant des dispositifs innovants y compris par téléphone.
2. La rémunération des stagiaires de la formation professionnelle est maintenue dans des conditions restrictives (sous condition que la formation soit faite à distance). Ce serait mieux de dire que la rémunération est maintenue pendant la durée du confinement.
3. Un plan de soutien spécifique pour les petites structures de formation via des montants d’avance, une aide au télé-enseignement et un maintien d’avance.
4. Grâce à la mobilisation des partenaires en charge de la formation, proposer à ces derniers d’intervenir en urgence pour former des personnes susceptibles de venir en renfort en milieu de soins (voire plus haut).
5. Là où c’est possible, mobiliser les professionnels actuellement à l’arrêt pour la production de contenus pédagogiques. en partenariat avec les organismes. de formation pour élaborer des formations à distance (MOOC).
Coopération européenne
1. A court terme, la coopération interrégionale européenne peut jouer un rôle essentiel par exemple via la commande commune.
2. A court terme, l’état des consommations des fonds structurels européens doit être regardé dans le cadre de la crise. Comment accélérer la mise à disposition des fonds ? Comment mobiliser certains d’entre eux au bénéfice de la résolution de crise ?
3. Par ailleurs, il est essentiel que l’Ile de France renoue à court terme avec les régions partenaires en Europe pour avancer vers des solutions et entraide communes.