
Le 23 octobre dernier, en compagnie de Gil Leparmentier, architecte, et militant écologiste, j’ai pu visiter la Seine en bateau d’Issy à l’Ile Séguin. Quelques images et commentaires sur cette partie stratégique d’un fleuve qui ne devrait pas être à vendre…
La Seine est au coeur des débats actuels sur l’avenir de l’agglomération. Sur son versant Ouest et aval, la Seine recèle de très beaux patrimoines naturels et horticoles préservés, mais aussi de terribles convoitises. C’est aussi le terrain de grande variété paysagère. Quelques perspectives…

- Départ d’Issy vers l’Ile Séguin en longeant l’Ile St Germain
Grâce à Gil, je découvre la Seine du côté de l’Ile St Germain. Celle-ci compte une variété de parcs et maisons, en passant par les équipements sportifs. A l’extrémité côté Ouest, de beaux jardins ouvriers conservés par les efforts des habitants et d’une mobilisation associative qui a perduré. Côté Nord, on remarque le beau travail réalisé par l’association ESPACES pour conserver les berges.

Côté Nord, on note tout de même la présence de poches de misère avec des habitations précaires sous les ponts le long de la Seine. Y vivent les habitants invisibles depuis le haut de la berge, dans une grande misère et insalubrité. Qui les défend ? Où sont-ils dans les projets d’aménagement majeurs quelques mètres plus haut ? Qui leur ouvre la perspective d’un logement digne ? à la Région nous le faisons et je n’oublie pas que nos combats pour le logement social trouvent leur sens ici. Six années de perdues depuis 2015 !
2. Vers l’Ile Séguin
Les abords de l’Ile Séguin sont grandioses : au pied des buttes côté Ouest et situé à un lieu d’élargissement et de perspective en aval, on ne peut que remarquer la beauté du site. C’est d’autant plus dommage, ainsi, d’en faire n’importe quoi. Les habitants se sont récemment mobilisés via une pétition pour en faire une Ile Verte. Depuis vingt ans, l’île a vu de nombreux projets se succéder. Aujourd’hui, ce qui tient la corde est un projet mixte avec un hôtel de luxe à l’Est (pour qui ? avec quelle accessibilité), une cité des arts avec des galeries et de méga projets de bureaux côté Boulogne, sans compter du logement, avec une grande présence de bâtiments vitrés tels qu’on en voit fleurir partout.
Trois impensés majeurs marquent le site :
- l’oubli de la mémoire ouvrière, alors qu’on aurait pu en faire un musée de cette expérience humaine tel le Zollverein à Essen en Allemagne, classé patrimoine mondial de l’UNESCO : https://www.zollverein.de/. Il faut redonner sa dignité et son écho au passage de nombreuses femmes et de nombreux d’hommes sur ce site, aux combats syndicaux et sociaux, aux innovations et au génie industriel qu’on y trouve, même s’il a aussi coûté cher en vies et a contribué à dégrader la planète et le lieu. Tout cela ne doit pas être oublié.
- l’oubli de la nature, sur une île jadis artificialisée mais située au coeur de beaux sites naturels et présentant une réelle opportunité de renaturation (voire plus haut). Il manque une vision cohérente et positive de la Seine à l’échelle de la Région tout entière, qui ferait de ce fleuve un grand trait d’union renaturé.
- l’oubli des humains : où iront faire leurs courses les personnes qui fréquenteront l’Ile ? quelle accessibilité ? quel lien avec le reste de l’agglomération (il existe un projet de passerelle…) ? quels espaces de respiration ? comment éviter un projet élitiste ? quelle viabilité économique et sociale à l’heure du COVID et après ? Ainsi, l’inscription de l’île dans la vallée de la Seine culturelle, idée défendue par le département, est loin de suffire à fournir un projet d’aménagement durable. Et si l’on peut admirer la programmation de la Seine musicale, les choix de matériaux, d’architecture font encore débat au regard des questions soulevées plus haut : cohérence, mixité, nature.
Il est d’ailleurs tout à fait révélateur que le mur de l’Artillerie soit détruit aujourd’hui, alors qu’il portait les traces des bombardements de la Seconde guerre mondiale. Il en subsiste encore sur les berges en béton côté Boulogne, où l’on peut encore apercevoir depuis l’eau les traces des impacts d’obus.
Mille mercis à Gil Leparmentier et à son vaillant bateau !
Pour en savoir plus
Ils ont craché sur nos tombes, par Aurélie Filipetti — article d’avril 2004 suite à la destruction des anciennes usines de l’Ile Séguin, à propos de la mémoire ouvrière : https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/04/01/ils-ont-crache-sur-nos-tombes-par-aurelie-filippetti_359563_1819218.html
Association Espaces : https://www.association-espaces.org/
Collectif La Seine n’est pas à vendre : https://www.laseinenestpasavendre.com/
Récit de réunion avec la Seine n’est pas à vendre au conseil régional (sur ce site) : https://fredericbenhaim.net/2020/10/12/la-seine-nest-pas-a-vendre/