Adresse aux jeunes candidats de Madaba, Jordanie – Mock election in Madaba, Jordan. Speech for the youth candidates.

Le 22 mai dernier j’ai été invité par l’Ambassade de France à Amman, Jordanie, à venir m’exprimer devant les jeunes candidats à une simulation d’élection locale à Madaba, une ville située au sud de la capitale. Ceci s’inscrit dans un contexte de préparation des premières élections locales libres : tout un enjeu pour des jeunes qui n’ont pas l’âge de se présenter (25 ans) et pour la Commission électorale qui y trouvait l’occasion d’une répétition grandeur nature.

Dans toute la ville, des panneaux incitaient les habitants à venir élire leurs jeunes « élus ». Plus de 2000 se sont présentés en quelques heures. Ce fut un succès éclatant.

Je tiens à saluer le remarquable travail réalisé par l’Ambassade sur place en partenariat avec la société civile.

Voici le texte de mon intervention devant les jeunes candidats (en anglais).

Invited by the French Embassy in Amman to speak to the youth candidates of a mock (youth) election in Madaba, Jordan, I had the opportunity to meet remarkable young people and to see an electoral process in the making. Jordan is holding its first free local elections in a few months. More than 2000 people showed up to vote in just a few hours’ time: priceless practice for the Electoral Commission. Here’s what I said to the 25 young candidates, out of whom 6 where women, onthe day before the mock election.

 

Madaba, May 22 17.

 ***

Dear all,

Dear young people of Madaba,

It is an honor for me to be here today. I know that soon you will be making history and I feel joyed to be able to witness such a moment. I hope you take it as such yourselves and that one day you may remember this time as an important one.

First, I would like to thank the French Embassy as well as Al Hayat NGO for this initiative, as well as the local, gubernatorial/regional and national authorities who allowed for this wonderful experiment. I could only honor such an invitation to come speak to young Jordanians about to witness their first local elections and to enact their own mock election. Many thanks to the OECD for the work they do here in support of local democracy.

I feel humble to be able to tell you about my own experience as a young local official.

I didn’t entirely expect to be elected the way it happened, but it did. I joined a political party in France when I was 17, and I remained active for many years before this happened.

Being active in your community enhances your awareness as a citizen. It’s a telescope that forces you to look at what’s happening around you, how society is changing and what needs to change, and where you stand. Far from being a brainwashing process, it actually serves as political caffeine.

Now let me tell you about being an elected official.

At first, you don’t see a difference between before and after you are elected. You are the same person. Only now you must find ways to apply your ideas and to live up to the mandate other citizens have given you. And this is quite challenging. You face your colleagues’, your administrations’, and sometimes even your fellow citizens’ conservatism. You must also deal with aspects of political life that you don’t appreciate, such as your colleagues’ personal ambition, tempering your own, or facing odd personal requests from people who should really be asking you to work well and focus on your mission.

Throughout the process you will grow and learn and become better until you are ready to step down and let someone else endure the same cycle in turn.

But as an active part of local life you don’t have to be in office.

For elections may be the key focal point of local life and they matter, but as young people you can find many ways to have an impact on your local community. It is worth it, because it is there that you will most easily and rewardingly find ways to bring about positive change, work with people on problems you know well and learn. Do not forget that in the age of the internet, local initiatives and solutions can quickly become global ones. When Paris introduced the bikesharing system, for instance, it was emulated all over the world. When a city, Grande Synthe, in Northern France set up new housing units for refugees, its initiative became a worldwide role model that you may read about through the press.

 

So remember that you have an influence, and that every single one of your actions matters and will have an effect. No ones knows how, or when, but it will.

Sky’s the limit !

Par Frédéric Benhaim, coprésident d’Entreprendre Vert.

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Interview du fondateur d’une ferme verticale, ou comment la vie et l’activité positive sont revenues au cœur d’une friche à Chicago, créant l’un des espaces agricoles urbains les plus fascinants des Etats-Unis : The Plant.

Le 12 juillet 2014, en compagnie de (et grâce à) Sabri Bendimerad, architecte, j’ai rencontré John Edel, le fondateur de la plus grande ferme verticale du MidWest et l’une des plus remarquables des Etats-Unis, John Edel. Ce portrait sera aussi publié sur le site d’Entreprendre Vert. Au cours de l’été 2014, Entreprendre Vert fera paraître des portraits d’entrepreneurs et d’entrepreneuses engagés dans l’écologie.

Produire ici : un nouvel enjeu local d’image, d’approvisionnement, et d’emploi

John Edel a le sens du collectif. Il a d’abord fondé le Sustainable Manufacturing Center. L’idée était de promouvoir et de réunir la production locale, sur laquelle John trouve la France en retard ; en effet, où est la bière locale parisienne, par exemple ? Dans cet endroit, on trouve, cinq fabricants de cadres à vélo {autrement, 90% de la production mondiale vient de Taiwan}, deux fabricants de meubles, deux fabricants de métal, une entreprise de maroquinerie spécialisée dans les sacs pour cyclistes {l’auteur signale ici sa frustration de n’avoir pu encore en voir les produits !}, et un atelier d’artistes qui emploie sept personnes. Selon ses dires, c’est une réponse locale au mouvement perpétuel de fusion et de développement congloméral. Aujourd’hui, « le statut d’une ville est liée à sa capacité locale à produire ».

Le retard français, à cet égard, ne se situe pas dans l’artisanat traditionnel qui a souvent résisté ; il se situe dans la capacité des villes et régions à se ré-emparer des processus et produits agricoles et industriels aujourd’hui dominé par le monde des grandes entreprises, et de les re-fabriquer, autrement, et chez eux. Demain sera fait de brasseries locales, de potagers urbains et de manufactures de quartier, où, nous l’espérons, nous optimiserons nos ressources et cesserons progressivement de rejeter des matières toxiques et gaspillées dans la nature. C’est une opportunité sans précédent car elle créé des emplois et offre de nouvelles connaissances pour des personnes de tout âge, qualification…

Mais revenons à John Edel. Après cette expérience, John a racheté, au cœur de la première zone d’aménagement industrielle de l’histoire des Etats-Unis (1898), un énorme bâtiment en ciment (10 000 mètres carrés plus la moitié en plus de terrain), une ancienne usine de traitement de viande de porc.  Il y a implanté une immense ferme urbaine, ou plutôt, un regroupement d’exploitations. Et tant qu’à faire, cela permet de modifier l’ « équation du déchet » en allant vers le compost et la fin du déchet entreposé dans des décharges. Le prix de la pose en décharge dans le MidWest ? 40 dollars la tonne. De quoi transférer tout le prix du traitement aux générations futures… Mais revenons à l’agriculture urbaine.

The Plant : Six fermes, un marché de producteurs et même des installations de production d’énergie !

En effet, aujourd’hui, la ferme urbaine fondée par John Edel, c’est six fermes au total. Il y a d’abord cinq fermes commerciales, aux noms évocateurs et mêmes poétiques : Urban Canopy (canopée urbaine), Skygreens, Patchwood Farms…

Plant Chicago, l’exploitation à but non lucratif est gérée directement par John, et elle emploie sept personnes et produit aussi de l’énergie sur place. La seule gestion du site emploie cinq personnes, à quoi s’ajoute la gestion du marché de producteurs que Edel et ses camarades ont fondé à proximité (ironie du sort, ils font face à un Walmart !). Ici on produit de la salade, des tomates, du poisson, des champignons, aux étages mais aussi à l’extérieur.  Une partie des personnes impliquées avait déjà cultivé chez elles en milieu urbain. La culture aquaponique de cette ferme permet d’utiliser au mieux l’eau, les déjections des poissons, les copeaux de bois et la terre pour produire des légumes qui ont du goût. Evidemment le poisson tilapia se mange aussi…

Autre chose que des lofts et des espaces d’exposition

L’enseignement principal recherché et démontré est qu’on peut trouver une vie à de grands bâtiments, qui manquent de lumière naturelle, et qui utilisent beaucoup d’espace, sans qu’on puisse y caser une énième collection de lofts ou d’espaces d’exposition. On peut en d’autres termes rendre à ces lieux leur vocation productive et y créer des emplois. A cela s’ajoute un autre intérêt : ce bâtiment est vivant. Outre les espèces plantées et élevées sur place, on y retrouve des insectes, des vers, des bactéries utiles… La condition est d’avoir un bâtiment en béton et non en bois, question de résistance à l’humidité…

A portée de nous tous

Un des faits les plus intéressants est que John Edel n’est pas agriculteur. Il a grandi à Chicago, se dit tout à fait citadin ; il est d’ailleurs spécialiste de réseaux de canalisation, ce qui a eu son importance dans ce projet mais n’aurait jamais suffi ! Alors après avoir fait l’acquisition du bâtiment (pour le moment il ne gagne pas d’argent avec ces activités), il a travaillé pendant plusieurs années avec les élèves ingénieurs de l’IIT sur le conditionnement de la bâtisse et sur la structuration du projet agro-industriel. Puis il a constitué une équipe originale brassant locaux et compétences clés. Par exemple, un des employés vient du monde des aquariums, ce qui permet de savoir gérer l’aquaculture. Il y a même des cuisines où l’on prépare du Kampucha (une boisson gazeuse biodynamique à découvrir sur les rayons de votre supermarché). C’est ici que l’on retrouve l’importance d’avoir une communauté humaine, un collectif, réunie autour du projet autour de la vision ambitieuse de quelques pionniers. Ici, elle a déclenché un cycle indéfini d’innovation, d’expérimentation, et d’invention, pour notre bénéfice à tous. Sky’s the limit !*

Frédéric Benhaim

Paris, le 12-13 juillet 2014.

L’auteur tient à remercier Sabri Bendimerad et John Edel.

* Sky’s the limit : expression américaine qui veut dire qu’il n’y a pas de limite, littéralement, que c’est…le ciel, justement.